Il y a trois ans, on ne parlait pas de container runtime et le seul outil connu pour lancer et administrer des conteneurs, c'était Docker. Puis est arrivé rkt. Puis il y a eu la guerre entre les deux, l'Open Container Initiative (OCI) a été créée et runc est apparu.
Et maintenant on entend parler de containerd, de CRI, de CRI-O, de Kata Containers.
Cet article va tenter de repositionner tout ce beau monde, qui remplace qui, qui dépend de qui, de façon à avoir une bonne vision de ce que sont tous ces outils et vous permettre de choisir les bons.
C'est quoi une runtime ?
Si on met de côté les runtimes qui servent de contexte d'exécution pour certains langages comme Java, dans le monde des conteneurs, la runtime est responsable de créer et de faire fonctionner le conteneur.
Cette définition est volontairement simpliste et très générique et on verra dans la suite de l'article qu'il existe plusieurs types de runtimes dont les objectifs sont différents et souvent complémentaires.
In principio erat Docker
Reconnaissons que Docker ne nous a pas simplifié la tâche pour comprendre ce qu'était une container runtime. En effet, "à l'époque", Docker faisait tout : il construisait des images, permettait de gérer une registry locale, partageait des images sur le DockerHub, permettait de créer des volumes et des réseaux et enfin démarrait des conteneurs.
Comme expliqué en introduction, rkt de CoreOS est arrivé. Deux des points principaux mis en avant par CoreOS était la meilleure gestion de la sécurité de par rapport à Docker et un meilleur respect de la philosophie "KISS" d'Unix. Mais, grâce à son antériorité et à son CLI permettant de tout faire, Docker s'est imposé. La hâche de guerre fut enterrée à la création de l'OCI, dont le rôle fut de créer un standard concernant la manière de démarrer un conteneur. Ce standard c'est runc.
Runc est en réalité la partie de Docker qui servait à créer un conteneur, Docker n'a fait que la "donner" à l'OCI. D'où le fait que l'on considère que Docker a gagné cette guerre contre CoreOS.
Docker a donc commencé à devenir de moins en moins monolithique. On peut d'ailleurs voir désormais que runc est la runtime utilisée par Docker :
$ docker info | grep -i runtime
[...]
Runtimes: runc
Default Runtime: runc
On peut de même remarquer qu'il est possible d'avoir, a priori, plusieurs runtimes ;)
L'OCI a également standardisé autre chose, à savoir le format des images. Qui vient aussi originellement de Docker.
https://github.com/opencontainers/image-spec
Différents types de container runtimes
Le problème a néanmoins persisté. Toutes les runtimes ne font pas la même chose. Runc par exemple est assez bas niveau et se charge uniquement de démarrer un conteneur, il ne prend pas en charge les activités de plus haut niveau comme gérer les images, les pull et ne fournit pas d'API. Ce sont elles qui manipulent les namespaces et les cgroups sur lesquels se basent les conteneurs. Un développeur ou un sysadmin ne va que très peu intéragir avec elles, ce sont donc les container runtimes de plus au niveau qui vont s'en charger.
En terme de technologie, runc est la container runtime la plus utilisée. Bien qu'elle soit basée sur les travaux de Docker, elle suit en réalité la spécification de l'OCI. La version 1.0.0 de runc implémente normalement la version 1.0 de la spécification.
Rkt, présentée en introduction, en est une autre bien qu'elle fournisse aussi des fonctionnalités de plus haut niveau.
Et nous avons donc les container runtimes de haut niveau, comme Docker. Docker est capable de builder des images, de prendre en charge les pull, les push, etc. C'est un daemon qui fournit une API ainsi qu'une CLI et si on a bien suivi, il délègue désormais la partie création du conteneur à runc. Mais pas tout à fait, il existe en effet encore une couche entre Docker et runc : containerd.
Containerd fut aussi sortie du projet Docker. Containerd fait tout ce que Docker fait, sauf builder une image. Nous pourrions intéragir directement avec containerd car il fournit une CLI mais nous continuons à utiliser celle de Docker, la force de l'habitude.
Containerd est désormais un projet de la Cloud Native Computing Foundation (CNCF).
En conclusion, l'utilisateur interagit donc directement avec la container runtime de haut niveau. Cette runtime est responsable généralement de pull les images, de vérifier leur checksum, etc. Une fois ces activités de haut niveau effectuées, elle délègue à la container runtime de bas niveau les tâches pour créer les conteneurs.
Kubernetes et CRI
Mais deux couches, de haut et bas niveau, ce n'était pas suffisant. Le problème s'est posé lorsque les orchestrateurs de conteneurs sont arrivés. Je parlerai exclusivement de Kubernetes dans cet article. Kubernetes ne crée pas lui-même des conteneurs. Cette tâche est déléguée aux container runtimes et Kubernetes doit donc être capable de parler à plusieurs d'entre elles, chacune ayant une API différente. Le problème a été finalement pris dans l'autre sens, Kubernetes a créé une interface, Container Runtime Interface (CRI), qui définit la façon dont Kubernetes parle aux container runtimes. A elles ensuite d'implémenter ou non les calls définis dans CRI.
Dans Kubernetes le composant responsable de la communication avec la container runtime est le kubelet. Ce composant est installé sur tous les workers Kubernetes. Il communique avec les container runtimes via des sockets Unix en utilisant le framework gRPC. Le kubelet est donc le client et CRI le serveur. Ce "serveur" est en fait une interface shim qui intercepte et traduit les calls entre le kubelet et la container runtime.
CRI-O est un autre exemple de runtime qui implémente CRI et communique ensuite avec une autre runtime qui implémente elle la spécification de l'OCI. CRI-O peut, par exemple, parler à runc ou à Kata Containers.
Plus d'infos sur Kata Containers
Implication pour vos clusters Kubernetes
Une implication directe de ces informations est que Docker n'est pas un prérequis à Kubernetes et ne peux même pas être considéré comme un choix par défaut. La version 1.0.0 de containerd est sortie en décembre 2017 et est prête pour la production. Docker et Kubernetes est donc un choix qui se justifie historiquement, au delà, la compétitivité avec les autres runtimes est réelle.
Cet article de mai 2018 explique comment s'affranchir de Docker avec Kubernetes
Si vous êtes à l'aise avec la CLI Docker, rien ne vous empêche de continuer à l'utiliser, seulement Docker ne sera plus qu'utilisé vous, pas par Kubernetes. Est-ce donc réellement utile ?
Néanmoins, un point reste à éclaircir quand on souhaite se débarrasser de Docker au sein de Kubernetes : le build d'image. En effet, containerd ne sait pas builder d'images. Fort heureusement il existe plusieurs projets visant à solutionner ce problème, ces liens vous donneront de quoi réfléchir :
Voilà pour ce tour d'horizon des container runtimes, certaines technologies ont volontairement été omises, nous aurions pu citer gVisor, frakti ou Railcar
Découvrez les derniers articles d'alter way
- Big Data & AI Paris 2024 : L'IA au cœur de toutes les transformations.
- Un retour vers l'open-source ? Vos outils DevOps préférés et leurs equivalents open-source.
- Prowler : L'outil de sécurité multi-cloud indispensable pour renforcer votre infrastructure
- Kubernetes : plateforme "star" de l'IT et levier d'innovation des entreprises
- AI_dev2024
- : DirectPV : Avoir du stockage bloc distribué facilement dans kubernetes